(journal de mes sensations)

jeudi 26 juillet 2012

Stupeur et clameurs

Impossible de fermer l’œil de toute la nuit ! Qu'est-ce que j'ai écris... dans ma tête ! Bien sûr il y a eu des flottements entre rêves et réalités. La raison ? La journée passée.
Je devais retrouver I. pour aller chez l'opticien de la rue Sainte-Croix de le Bretonnerie. J'en avais profité pour faire quelques courses dans le coin, puis assommé par cette chaleur tant attendue, m'étais assis à la terrasse d'un café derrière le BHV. Depuis que j'étais dans le quartier, j'avais cet intime pressentiment, du genre de celui auquel on ne porte que très peu d'attention, que j'allais l'apercevoir. Il ne s'agissait là pas d'espoir, comme chaque fois que je viens ici, du genre de celui qui fait que rien d'autre ne compte... Non, cette fois c'était différent.
Elle est passée, me surprenant presque... Elle ne m'a pas vu, enfin je pense, parce qu'elle aurait pu. Elle était à bicyclette, toute de noir vêtue, les cheveux noués sur sa nuque. La dernière coiffure que je lui connaissais était jolie mais les longueurs siéent mieux à sa nature et à son âme, du moins celle que je lui reconnais... Son visage, aperçu trop furtivement, m'a semblé... terriblement fermé (à tel point que plus encore, j'espère que ce n'est pas de m'avoir vu qui l'aurait aussi vite contrarié), comme je le lui ai déjà vu, quand ça n'allait pas...
Quatorze mois, cela faisait quatorze mois que je ne l'avais pas aperçue ! Bouleversé, j'ai payé et, mécaniquement me suis rendu vers son but. Elle a dû faire quelques courses chez ce marchand de légumes, car elle est arrivée alors que j'étais déjà aux alentours. Je me suis fait discret, presque caché... Elle allait à son cours, je sais que c'est important pour elle, particulièrement dans ces moments où toutes ses crispations la saisissent. Me faire voir eut été... discourtois. Et puis, bien que ce fût accidentel de l'apercevoir, cela ne me le semblait plus, pour l'avoir suivie... À l'écart, je l'observais attacher son vélo et décrocher la sacoche contenant ses affaires. Elle pénétra dans cette cour pavée, en marchant doucement, son pas, bien que déterminé, semblait peu assuré, fragile... Sa silhouette n'a pas changé. Retournant sur mes pas, je m'approchais de sa monture, et accrochais à cette sonnette, qu'elle aimait faire tintinnabuler quand elle arrivait, un minuscule ruban que j'avais dans ma poche, un bout de coton insignifiant que je gardais sans savoir pourquoi... J'aurais pu le mettre au guidon, mais la sonnette était à gauche, côté cœur et, aujourd'hui encore il m'arrive de me précipiter à la fenêtre pour l'avoir entendu dans la rue...
Toute la nuit j'ai eu cette étrange sensation que songes et réalité se confondaient. Involontairement j'étais obsédé par ces images d'elle que j'avais saisie... Par la sensation, qu'elle n'était pas au mieux que m'avaient laissé les traits de son visage et sa démarche...
Nous nous sommes retrouvés avec I., nous sommes rendus chez cet opticien, puis avons été boire un verre. J'étais, je l'avoue, perturbé, sous le coup d'une étrange stupeur. J'ai raccompagnée I. jusqu'à la station de métro puis, je n'ai pu m'empêcher de retourner vers l'endroit où elle se trouvait. Je suis entré dans cette cour, pour essayer de l'apercevoir. Mais sans succès... Il était tard, je n'avais pas mangé de la journée et il était temps de rentrer, je devais me lever tôt le lendemain. En m'éloignant, au moment de tourner à l'angle d'une rue, je me retournais et, à nouveau, l'apercevais... Trop loin pour que je puisse distinguer ses traits, cependant je les imaginais moins durs ; la danse avait sur elle, ce pouvoir d’effacer pour l'espace d'un instant, toutes les marques de ses peines. Son visage était toujours plus serein, presque heureux, après qu'elle ait dansé... C'est comme cela que je l'ai imaginé en enfuyant...
Je pris un vélo le long du BHV et, oubliant mon instinct, me mis à penser tout le long du trajet, tout au long de la soirée, tout au long de la nuit... Penser ne me réussit pas, mais je ne peux m'en empêcher...
Peut-être ai-je trop à donner à quelqu'un qui n'a rien à m'offrir ?
En rentrant, je n'étais pas à ce que je faisais, je me suis mis à repasser ma chemise, le fer est tombé, il s'est cassé ! J'étais bien ennuyé avec une moitié de chemise repassée...
Avec cette chaleur, impossible de ne pas ouvrir la fenêtre, mais quel boucan. Des travaux de réfection de la chaussée ont commencé. La couche de bitume a été enlevée, laissant apparaître les pavés... Chaque véhicule qui passe fait un bruit terrible. Le bruit est sans doute la plus importante et la plus méconnue des pollutions. Pas seulement pour notre santé, mais pour notre planète. Un célèbre bio acousticien (Bernie Krauss) à défini tous les sons en trois types : la Géophonie qui regroupe tous les sons comme le vent, la pluie, les vagues, une avalanche, un tremblement de terre, etc. La Biophonie, tout ce qui est animal ou végétal et, l'Anthropophonie, tout ce qui est d'origine humaine. Le dernier, plus que d'envahir les silences, éteint petit à petit les deux autres. Cette clameur humaine en arrive à modifier le comportement de certains animaux, des baleines finissent par s'échouer ou s'égarer, aveuglées par toutes ces hautes ou basses fréquences. Comme ces étonnants petits corvidés à la prodigieuse mémoire, qui enfouissent des graines et des vers dans d'innombrables caches, se souvenant de chacune d'elles ainsi que de la date de péremption de toutes ses réserves. Petit oiseau pilleur de nid, que les travaux d'un scientifique suggèrent qu'il est capable de prévoir l'avenir et, de projeter à partir de sa propre expérience de voleur, de prêter à ceux qui l'observent en train de cacher sa nourriture, des intentions de voleurs... Perturbés par les basses fréquences des machines, ils fuient et n'accomplissent plus leur travail de semeurs de graines de conifères et de genévriers. Ce faisant ces arbres se raréfient, entraînant à leur tour d'autres conséquences dramatiques sur l’écosystème... Si la vie existe ailleurs dans cet espace insondable, une vie intelligente écoutant notre système solaire, elle n'entendrait que ce vacarme dont seuls les humains sont auteurs. Vacarme qui, au même titre que l'exploitation effrénée des ressources de la terre, le nucléaire et tous ces poisons nécessaires à notre confort, détruit notre bien le plus essentiel.
Le bruit, certains d'entre nous y sont plus sensibles, tellement sensible... Bientôt, le silence sera un luxe plus rare encore que l'eau. En attendant, il est des sons humains d'une rare beauté, si j'avais eu le don de chanter, j'aurais voulu avoir cette voix, et chanter cette chanson là :
Believe in us - Jay-Jay Johanson
Allez, je vais, moi aussi, cesser mon vacarme, éteindre mes clameurs... Me laisser aller à m'écouter, éviter de trop penser, éviter de me polluer...
Partir, essayer de récolter un peu de sel...

1 commentaire:

  1. Deux jours que je dors mal... Je conseille les livres. Au moins, à défaut de dormir, on fait taire un peu les pensées.

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