(journal de mes sensations)

mercredi 11 juillet 2012

Léopoldine et Charles

Cette frénésie d'écrire ici, n'est-elle pas suspecte, artificielle peut-être ? Ne faudrait-il pas occuper mon temps à d'autres activités, me fondre dans la masse ? Suis-je inconscient ou devrais-je le devenir ? Tous ces mots pourquoi ?
Toucher une âme... que la mienne ne distrait qu'à peine ?
À quoi bon toutes ces histoires...
Voilà ce que j'avais en tête, et puis m'est revenue cette histoire, entendue hier, à propos de Léopoldine Hugo et Charles Vacquerie, son mari. 
C'était une émission sur Victor Hugo ; il fut, entre autre, évoqué l’évènement tragique de la disparition de sa fille aînée... Léopoldine s'est noyée avec son mari dans la seine, un jour ensoleillé du début de septembre 1843 ! Leur barque a chaviré par la faute d'un mauvais tour qu'a fait le vent à leur voile... Léopoldine qui ne savait pas nager, tétanisée comme le sont ceux qui se noient, s'est accrochée au canot renversé ; Charles, plonge, replonge et plonge encore pour tenter de la sauver, il la trouve, mais ne réussit pas à lui faire lâcher prise... Désemparé, incapable de l'abandonner, il plonge alors une dernière fois, se cramponne à elle, son amour, et l'accompagne pour toujours...
Leurs corps repêchés, étaient tellement agrippés l'un à l'autre, qu'ils furent inhumés, ainsi enlacés, dans le même cercueil ! Léopoldine n'avait que dix-neuf ans et son mari, à peine vingt-sept... Comment ne pas être troublé par une telle attitude ? Hugo lui-même, qui, dans un premier temps, avait refusé ce mariage puis, à contre cœurfinit par céder à sa fille, quelques années plus tard, - elle était sa fille adorée - écrivit un poème hommage à ce jeune homme qui aima sa fille plus loin qu'à la folie.
C'est une belle histoire... Il est raconté qu'il plongea plusieurs fois, tant de fois que des paysans, sur la rive, prirent son comportement pour un jeu. J'en déduis qu'il eut le temps de réfléchir, de peser sa décision finale... À cet âge où l'on croit encore qu'il y a tant de chose à savoir... En aurai-je été capable ? Pour elle ? Je ne peux y réfléchir plus loin que ça... J'imagine qu'à ce moment, plus que le cœur, qui ne peut vouloir que battre, c'est l'âme qui prend le pas... Offrant, peut-être, alors la possibilité d'autre chose...
"Charles Vacquerie" (Victor Hugo - Les contemplations - Extrait)
...
Il ne sera pas dit qu'il sera mort ainsi, 
Qu'il aura, coeur profond et par l'amour saisi,
Donné sa vie à ma colombe,
Et qu'il l'aura suivie au lieu morne et voilé,
Sans que la voix du père à genoux ait parlé
A cet âme dans cette tombe !

En présence de tant d'amour et de vertu,
Il ne sera pas dit que je me serai tu,
Moi qu'attendent les maux sans nombre !
Que je n'aurai point mit sur sa bière un flambeau,
Et que je n'aurai pas devant son noir tombeau
Fait asseoir une strophe sombre !

N'ayant pu la sauver, il a voulu mourir.
Sois béni, toi qui, jeune, à l'âge où vient s'offrir
L'espérance joyeuse encore,
Pouvant rester, survivre, épuiser tes printemps,
Ayant devant les yeux l'azur de tes vingt ans
Et le sourire de l'aurore,

A tout ce que promet la jeunesse, aux plaisirs,
Aux nouvelles amours, aux oublieux désirs
Par qui toute peine est bannie,
A l'avenir, trésor des jours à peine éclos,
A la vie, au soleil, préféras sous les flots
L'étreinte de cette agonie !

Oh ! quelle sombre joie à cet être charmant
De se voir embrassée au suprême moment,
Par ton doux désespoir fidèle !
La pauvre âme a souri dans l'angoisse, en sentant
A travers l'eau sinistre et l'effroyable instant
Que tu t'en venais avec elle !

Leurs âmes se parlaient sous les vagues rumeurs.
-- Que fais-tu ? disait-elle. -- Et lui disait : -- Tu meurs
Il faut bien aussi que je meure ! --
Et, les bras enlacés, doux couple frissonnant,
Ils se sont en allés dans l'ombre ; et maintenant,
On entend le fleuve qui pleure.

Puisque tu fus si grand, puisque tu fus si doux
Que de vouloir mourir, jeune homme, amant, époux,
Qu'à jamais l'aube en ta nuit brille !
Aie à jamais sur toi l'ombre de Dieu penché !
Sois béni sous la pierre où te voilà couché !
Dors, mon fils, auprès de ma fille !

...   

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