(journal de mes sensations)

mercredi 29 décembre 2010

Courir et réfléchir

"Ce que tu ressens, ce sur quoi tu réfléchis, essaie de le transcrire tel quel, honnêtement, directement, dans ton propre style. Et tu n'as rien d'autre à faire qu'à t'y mettre." Haruki Murakami.
Lorsque je prends une décision, je m'y tiens. Ce matin malgré une nuit interrompue entre trois heures et sept heures du matin, je suis allé faire mon jogging. À jeun, c'est un principe chez moi.
Lorsque j'ai commencé à courir, il y a maintenant cinq ans, je ne pouvais pas me passer de musique, j'avais enregistré une compilation personnelle, choisissant avec précision les titres en fonction de leur rythme afin d'accompagner idéalement ma sortie quotidienne, d'une bonne heure. 
J'ai perdu cette habitude depuis que je l'ai rencontrée. Je cours sans musique. Elle est ma musique ! Courir, c'est réfléchir, penser. Durant une heure de course, elle est ma préoccupation pendant, au moins cinquante minutes, c'est vous dire sur un marathon.
Les quinze premières minutes de course sont pour moi les plus dures. Je suis encore froid, et surtout je n'ai pas encore trouvé le bon souffle. Mes pensées à ce moment sont, elles aussi, souvent pénibles. Émergent mes doutes, mes incompréhensions, tant de questions, mes mauvaises sensations et surtout mon manque, tellement douloureux, d'elle. J'avoue, c'est un moment difficile. Entre quinze et vingt minutes, il y a comme une absence, sans doute l'esprit et le corps se concentrent et s'accordent afin d'adapter le souffle au rythme, les efforts à l'environnement... Dès la vingtième minute de jogging, j'oublie mon souffle, mes articulations et mes muscles, j'ai la sensation de pouvoir rester ainsi des heures durant, je m'ouvre à l'extérieur. C'est alors que mon esprit libéré, réorganise mes pensées. Mon désir pour cette femme est aussi fort que mon amour, dans l'idéale, qui se produit de temps en temps, jamais assez souvent, les deux sont combinés, et là, quelle magie ! Mes premières pensées sont toujours en rapport avec mon désir. Le corps n'étant pas encore sur la réserve demande moins d'effort à l'esprit. Il faut cependant que je sois vigilant à ne pas aller trop loin, ma tenue n'autorise pas franchement un état congestif explicitement localisé ! Mais j'y arrive et c'est toujours plaisant. J'aime à me rappeler certains moments d'intimité, certains gestes, nos étreintes, les positions, toutes sortes de détails qui sont pour moi de vrais trésors. J'aime aussi imaginer quelques nouveautés, tant géographiques, qu’acrobatiques, qu'exotiques... Toutes sortes de belles surprises, d’émancipations du plaisir et de tous les sens... Oser quelques belles outrances sans pour autant lui manquer de respect. Parti, avec fougue dans la réflexion de ces possibles plaisirs, magnifiquement colorés de ceux déjà vécus ; mes sensations passées se faisant plus précises, combinées avec un début de tension musculaire, me font relâcher tout contrôle et je sens rapidement qu'il est temps de changer de thème pour éviter tout embarras... Évidemment, je ne suis pas un ordinateur et passer du désir à d'autres sentiments ne se fait pas en un clic. Je cours déjà depuis quarante-cinq minutes, à peu près, les jambes deviennent un peu plus lourdes, le souffle tient encore bon, mais demande un peu plus de concentration, les battements de cœur ayant un peu accéléré, en raison de l'effort et, de mes pensés... C'est à ce moment que l'émotion me gagne et m'envahit... je repense à certaines courses importantes pour moi où j'aurais aimé qu'elle soit là. Je pense à ma capacité de tout supporté et aussi à la meilleur façon de l'améliorer, je pense à mes faiblesses qui, je l'espère ne la blesse pas, je pense à elle avec le cœur qui cogne, les larmes qui montent. Je voudrais avoir le pouvoir de lui prendre toutes ses peines, ses angoisses, tous ce qui l'enchaîne, je voudrais la libérer... Qu'elle puisse me voir. Alors immanquablement, j'efface d'un geste les pensées des quinze premières minutes et puise en moi tout le courage, toute l'abnégation nécessaire à l'aimer, la chérir et, à la protéger du mieux possible. Elle est l'épargne de tout mon amour, tout mon désir et toute ma tendresse... les intérêts, s'il devait y en avoir, me seront versés en amour et en désir, en envies.
J'arrive chez moi en sueur et parfois en larmes, j'ai rechargé mes batteries, fais le plein d'émotions, fatigué mais plus disposé que jamais à l'aimer.
Courir, réfléchir, n'apporte aucune réponse à mes angoisses, mais invariablement me confirme la justesse de mon attitude, de ma persévérance. Cet amour est en accord avec ce que je suis vraiment, comme la course est en accord avec mon corps.

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