(journal de mes sensations)

lundi 29 octobre 2012

Quarante-et-un... de fièvre...

Je cherche la source de cette chaleur qui m’incommode sans la trouver. Puis soudain, je comprends qu'elle vient de moi. C'est la fièvre ! 
Étrangement, je ne ressens ni étourdissements, ni faiblesses particulières, juste cette fièvre qui chauffe mon visage et refroidi mon corps... Contre quel ennemi se bat-il ? De quel genre d'infection est-il victime ? Ou bien, n'est-ce là qu'un méchant tour de mon esprit ?
Mes yeux ne sont pas injectés de sang... J'aurais supporté qu'ils le soient... Connaissant déjà ce trouble, pour l'avoir si intimement ressenti dans le corps d'une autre... Perçu sa frayeur, lorsque notre fragilité d'être s'avère tout à coup, avec une telle violence qu'elle choque l'esprit au point qu'il s'égare dans l'angoisse...
Aucune bactérie infectieuse n'attaque un de mes membres, le rongeant jusqu'à l'os... Décimant mes armées de globules blancs, m'affaiblissant au point de ne plus pouvoir me porter ; n'osant même plus bouger, par peur de cette douleur si poignante qu'elle essouffle autant l'esprit que le cœur...
Pas plus que mon âme inadaptée à cette vie ou à ce siècle, ne perturbe le fragile système neurovasculaire des circonvolutions organiques de mon cerveau, créant d'interminables céphalées, d'isolantes et lancinantes migraines...  
Rien non plus ne m'a, un jour de mon enfance, confronté à l'effondrement de tout ce qui me protégeait de la vie ; fait perdre, avec la brutalité du drame, la première raison que mes yeux avaient de briller... et toute l'innocence de mon enfance... M'infligeant le sentiment d'être condamné - pour d'obscures fautes dont je ne pouvais qu'être l'auteur - à la pire des solitudes, celle que l'on s'inflige soi-même, ainsi qu'à perpétuellement fuir ma propre vie.
À moins que, tous ces vécus par procuration de cette autre... ne fussent que les échos d'identiques maux subis, bien avant elle, si intimement connus et soudain, reconnus ?
Autant de failles, autant de plaies, font que certains d'entre-nous ne mesurent pas le temps en année, mais avec une autre valeur, beaucoup plus intime qui n'a, ni commencement ni fin... 
Même si ces chiffres et nombres qui s'égrainent, parfois nous effrayent. 
Trente-huit ; trente-neuf ; quarante. Quarante et un... 
Et alors, dans cette autre dimension qu'est celle du cœur, on peut passer de quatre-vingt-dix à quatorze ans, en à peine un souffle. 
Une étreinte un baiser, peuvent sembler une étoile filante comme une éternité. 
Une absence un manque, une longue maladie comme à peine une journée. 
La fièvre la convalescence, une statue de bois pétrifié comme quelques années...
Des années, des mois, des jours comme des mots ? Des mots en pâture au temps qui s'enfuit. Ces mots, mes mots, en humbles métaphores, bien que non dénués d'un soupçon de vanité, puissent-ils laisser à l'esprit de qui les lit, de qui les suit... le même éternel sillage que laissèrent à mon âme, ces effluves de feu de bois, de myrrhe ou de bois ciré... le touché poudré d'une peau blanche et diaphane... la douceur d'une voix et du regard qui l'accompagne... une intimité débridée exposée et offerte avec autant de grâce que de naturel...
Tant de sillages comblant tous mes sens en tous sens au point de m'ouvrir aux plus belles et étonnantes synesthésies...
Et je pense à ce poème de Baudelaire qui m'offrit, il y a des années, comme pour déjà m'indiquer que tous mes sens pouvaient se superposer, ce Baccalauréat pourtant compromis par mon autisme dans toutes les autres matières... Il faut dire qu'à l'époque cette médiocrité, qui me caractérise encore aujourd'hui, était ponctuée de vrais éclairs de génie, laissant perplexes ceux qui m'entouraient tout autant que leur auteur...

Correspondances.

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.


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Ces autres mots, parce que je ne peux me restreindre à n'offrir que les miens, ne les trouvant pas encore bien... et qu'à défaut d'une brassée de Calla blancs ou rouge sang ; d'élixirs d'envoûtements, portant le nom d'une heure magique entre jour et nuit ou celui de la dernière Impératrice de France, la belle Eugénie... mes mots, disais-je, seuls ne me semblent pas suffisant, il me faut y ajouter les mots d'un autre, ceux d'un maître, m'ayant ouvert à la puissance de mon instinct, sans doute parce qu'ils portaient en eux, la prémonition de ce que je découvre en moi...
Et j'emballe ce tout en un, comme un présent, un dessin d'enfant... dans un écrin de silence et de vide, retenant jusqu'au jour dit, chaque mot qui me vient, chaque souffle dont j'ai besoin, pour faire de ceux-ci le symbole, de ce qu'on voudra bien... Un écrin de silence et de vide comme celui qui entoure, non pas une étoile... mais peut-être, un petit corps céleste, qui ne brille que par sa fièvre.

Lumière d'octobre

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