(journal de mes sensations)

mercredi 8 juin 2011

Une singulière bienveillance

Je constate, non sans stupeur, que depuis que j'ai emménagé dans mon nouvel appartement, je n'ai cessé de tout peindre en blanc ! Faisant ainsi tout disparaître, ne laissant apparent que le ciel. Devant les fenêtres un grand drap sur un portant me cache les immeubles d'en face, en attendant des rideaux blancs.
Le plancher blond semble une passerelle dans les nuages, où je me tiens en écoutant Bach. Je regarde les hirondelles jouer, les nuages, le ciel... je vois ailleurs, plus loin que beaucoup d'entre nous.
C'est en regardant le ciel que je me sens sur terre ! 
Enfant, à la campagne chez ma grand-mère et mon grand-père, je m'allongeais dans l'herbe d'une clairière pour regarder les nuages. Je m'imaginais sautant de l'un à l'autre en prenant garde d'éviter les trop éthérés... Le soleil me chauffait doucement, autour de moi les insectes s'affairaient en tous sens, mais sans empressement. Il y avait cette odeur agréable, légère et acre de terre et d'herbage. Au loin au centre du village, je distinguais le coq perché sur le clocher, et attendais que midi sonne en cloches... 
Je prenais conscience de mon espace de vie, non pas en observant le village, les champs, les bois alentour, mais en regardant le ciel, qui couvrait ce tableau champêtre avec une bienveillance sereine.
Une singulière bienveillance qui me pénétrait avec le même naturel qu'il y a dans toutes les choses simples et évidentes, comme le fait par exemple que le soir venu, nous irions avec ma grand-mère ramasser des pissenlits que nous mangerions avec des œufs mollets tout frais de la ferme voisine. Puis nous nous coucherions sans douter que demain tout recommencerait...
Aujourd'hui, regardant le ciel, je pense à toutes ces fois où je me suis trouvé là pour l'attraper alors qu'elle tombait, pour la réconforter... avec rien d'autre que mes bras et mon dévouement. Ce n'était pas assez... les autres font mieux... 
Étonnamment ce souvenir, pourtant si récent, prend une place aussi importante dans ma mémoire que celui de la campagne de mon enfance. Je comprends alors en regardant les nuages que c'est parce que, aussi naturellement que je l'avais reçu, je lui transmettais cette bienveillance magique, engrangée durant mon enfance...
Si j'ai écrit ici, qu'elle était mon ciel, c'est peut-être parce que je fus probablement le sien !
Alors, ce sentiment d'être répudié me donne la sensation d'être renié de tous, par la terre, par le ciel, par ce pouvoir magique de bienveillance que je porte. 
Et l'envie de m'enfuir, loin... vers ces nuages de mon enfance, m'envahit parfois.
Si j'habille tout ce qui m'entoure de blanc, c'est pour ne pas m'échapper à moi-même et à ce que je porte...
   

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